Dans les méandres des couloirs menant au marché Dollé de Zinder, au milieu de l’atmosphère assourdissante faite d’un mélange des bruits liés à l’animation du marché et au travail manuel des mécaniciens et menuisiers, on aurait eu de la peine à croire qu’il était possible de faire fonctionner un orphelinat. Pourtant depuis bientôt treize années, Mariama Mahaman Mahaman, dite Marie Manzo, continue de se battre pour tenter d’offrir quotidiennement, un avenir meilleur aux enfants qu’elle continue d’accueillir dans ce centre crée en 2011.
A l’entrée de l’orphelinat, ce sont des enfants tout joyeux qui vous accueillent dans cette vaste villa à location, aménagée à l’allure d’un internat en plusieurs compartiments à l’intérieur desquels sont superposés des lits servant de couchette aux enfants.
Hadiza et Aicha (Noms d’emprunts), sont respectivement dans ce centre depuis huit et cinq ans, la première a raté son BAC l’année passé et la seconde est en classe de cinquième. Hadiza veut devenir comptable et Aicha infirmière. Mohamed (Nom d’emprunt) qui est en classe de Quatrième est encore plus ambitieux « Je souhaite devenir président de la République pour aider les parents des orphelins » nous confiant-il, le sourire aux lèvres.
Le sourire innocent de ces adolescents cache cependant une autre réalité, celle de la vie difficile d’un orphelin en quête éternelle de plus de soutien et d’amour et à qui la société semble ne pas prêter beaucoup trop d’attention. Le rêve de tous ces enfants risque malheureusement d’etre compromis du fait des nombreuses difficultés qui risquent d’entraver le fonctionnement de leur orphelinat.
Pourquoi une dame pourtant issue d’une famille relativement aisée a-t-elle choisi de consacrer toute sa vie à la gestion d’un centre d’accueil des orphelins ? Et à quelle difficulté est-elle quotidiennement confrontée ?
Une force héritée
Pour Marie Manzo, l’amour des enfants est une inspiration puisée dans la lignée de la famille. C’est peut-être la raison pour laquelle elle a cette énergie inépuisable pour continuer d’avancer malgré les obstacles inhérents à ce type d’engagement. Soutenu par sa mère retraitée qui s’occupe des enfants en son absence, Marie Manzo estime que la satisfaction qu’elle trouve dans ce travail est liée au soutien de son père qui ‘’était aussi père des Orphelins’’. Elle rapporte que « lorsqu’il était en vie, il avait pris tous les enfants de ses frères décédés et les a amenés chez nous ». Souvent lorsqu’il lui arrive d’envisager la possibilité d’abandonner, c’étaient aussi les conseils de son père qui lui rappelaient son engagement de départ. ‘’ C’est mon père qui m’avait dit de faire à cause de Dieu’’, au début je l’appelais pour lui dire que j’allais abandonner mais il me disait de rester quoi qu’il en soit ».
C’est donc avec amour et courage que Marie Manzo continue de prendre soins de ses 66 enfants dont plus de 2/3 sont de filles et dont la plupart sont actuellement en âge de puberté. ‘’ Des fois, je suis étonné que les gens s’étonnent du fait que je maitrise le nom de tous ces enfants’’ disait-elle. Malgré les propositions alléchantes de ses frères vivant en Europe, elle reste stoïque pour se battre dans le but de continuer à donner du sourire aux enfants qui l’appellent affectueusement ‘’Oummi’’.
Bataille difficile
Au fil des années, il devient difficile de faire fonctionner un centre d’accueil des orphelins et cela quelque soit vos bailleurs. D’autant plus que les enfants ne sont pas récupérés lorsqu’ils deviennent majeurs. Ayant démarré avec en 2011 avec 13 enfants, l’orphelinat Galihun Yara de l’association aimons les enfants se retrouve aujourd’hui avec près de six fois, le nombre de départ. Les besoins se sont multipliés et les appuis se font de plus en plus rare. C’est donc pour cela qu’elle appelle à notre responsabilité collective, car disait-elle, « une seule personne ne peut pas tout faire ».
Le centre a aujourd’hui besoin de soutien divers, « on a besoin de soutien en termes d’employés » dit-elle avant d’ajouter « qu’actuellement c’est moi les autres enfants plus âgés qui les aident à apprendre leurs leçons, c’est pour cela que je suis très débordée ».
Pour combler ce manque de personnel, c’est la mère de Marie qui vient souvent en appui aux plus petits. « Quiconque aide un orphelin, il le fait pour lui-même » dit-elle, « C’est ma fille et ses enfants sont mes petits fils » a-t-elle ajouté avant de conclure que « de toute les façons je suis une enseignante et je suis habitué aux enfants donc je me sens dans mon environnement ». Ce sentiment est aussi partagé par les quelques contributeurs occasionnels du centre comme ce bailleur qui appuie le centre depuis plus de quatre ans, interrogé sous l’anonymat « quand tu viens en aide à un orphelinat, tu apportes de la joie, voilà, tu apportes une certaine sécurité à cet enfant et pour nous qui le faisons, c'est déjà un plaisir ». Celui-ci rappelle que même manière religieuse, « aider un orphelin c'est quelque chose de bien et Dieu l'aime ». Il a par conséquent lancé cet appel à l’endroit des populations. « Ils n'ont qu'à venir voir de visu ces enfants, ce qu'ils vivent et je pense que d'une manière ou d'une autre, leur cœur sera touché et ils pourront venir en aide ».
Des besoins urgents !
Les difficultés face auxquelles le centre est confronté n’ont pas laissé indifférent les voisins de l’orphelinat qui sont témoins oculaires de la difficile bataille que mène Marie Manzo pour faire fonctionner la maison. C’est le cas de cette dame qui vient aider l’orphelinat de façon occasionnelle dans la gestion des tâches quotidiennes, « les enfants n’ont pas de prise en charge médicale, c’est la mère de Marie qui se débrouille pour leur trouver la consultation et acheter les médicaments surtout maintenant que nous sommes en période de froid ». Ces témoignages nous donnent une idée des besoins urgents qui risque d’entraver le fonctionnement du centre. Ces besoins sont notamment le manque de personnels, l’insuffisance de nourriture, la scolarité des enfants et la prise en charge médicale des enfants.
Face à toutes ces difficultés, la responsable de ce centre d’accueil lance un plaidoyer à toutes les bonnes volontés qui peuvent agir pour soulager ces enfants innocents « les gens peuvent nous prendre en charge les employés même si c’est pour nous faire la vaisselle ou le balayage, ça va beaucoup nous soulager ». Le centre souhaite également que des bonnes volontés viennent au secours des enfants pour qu’ils puissent achever leur scolarité, « actuellement, j’ai des enfants qui sont au lycée, d’autres en terminale et ont fait le BAC mais n’ont pas pu admettre. Malheureusement même lorsque nous nous présentons au niveau des services pour demander de l’emploi, on ne nous appuie pas assez ».
Elle a enfin lancé un appel à l’endroit du gouvernement pour que celui-ci vienne au secours des orphelinats de façon générale. « Notre doléance est que le gouvernement fasse quelque chose pour les orphelinats sur tous les plans ». Elle estime que l’Etat peut « aider dans la scolarité des enfants » ou même « construire des dispensaires spécialisés pour les orphelinats
Amma Moussa (Zinder)